Le Centre de Rééducation Fonctionnelle (CRF) Saint-Vincent-de-Paul de Bourgoin-Jallieu et Veduta* ont souhaité poursuivre leur collaboration en 2019 dans le cadre du programme Culture et Santé et au regard de l’enthousiasmante expérience menée en 2017.
Afin de donner plus d’ampleur à ce nouveau partenariat, le CRF a désiré accueillir cette fois-ci un artiste en résidence. Le choix s’est porté collectivement sur une invitation à formuler à Karim Kal, qui développait alors les premières idées de son projet l’Issue qui traite notamment de la question des lieux de vies et de ceux qui les habitent. Le projet, aussi en résidence en 2019 à Meyzieu dans le quartier du Mathiolan et l’Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs avec Veduta, trouvait ainsi au sein du CRF la possibilité d’aborder cette notion sous un angle complémentaire. Les objectifs de l’artiste, du CRF et de Veduta se sont rencontrés également dans le désir de permettre à tous les usagers du lieu (patients comme professionnels) de découvrir et pratiquer différemment un processus artistique en collaborant directement à la réalisation d’une œuvre qui fait appel au point de vue des participant.e.s.
L’expérience a été inédite pour Veduta dans son organisation car l’artiste était dans ce cadre placé également comme médiateur de son projet. Ainsi, il s’est rendu seul pour ses prises de vues nocturnes à l’hôpital où il était accompagné par les partenaires du CRF. Ces circonstances ont ainsi pleinement plongé Karim Kal dans des situations d’intimité avec ses interlocuteurs. En effet, l’objet des photographies (point de vue sur l’extérieur depuis l’intérieur de sa maison, de sa cellule, de sa chambre d’hôpital, de son lieu de travail….) génère de fait cette nécessité d’une relation particulière et exclusive, qui ne peut exister qu’en face à face. Pour les spectatrices et spectateurs, restent les images de fenêtres à travers lesquelles nous tentons de restituer l’expérience, de rassembler les pièces du puzzle, d’écrire un récit potentiel de ce qui a pu être dit ou se passer ces nuits-là.
* Veduta au sein de la Biennale d’art contemporain de Lyon crée des situations de dialogues et de rencontres entre l’Art, la Ville et les Habitants. Initiée en 2007, Veduta a pour vocation d’être la fenêtre ouverte, le temps de la Biennale, sur la « création permanente » qui se déploie à l’échelle de différents territoires au travers d’expérimentations artistiques collectives qui visent à s’insérer dans, et même à transformer, le quotidien.
L’Issue, 2019
Karim Kal est né en 1977 à Genève, vit et travaille à Lyon.
La pratique photographique de Karim Kal s’inscrit dans une démarche documentaire qui interroge l’influence de l’architecture sur nos habitudes et envisage le bâti comme un marqueur culturel et idéologique. Dans le cadre de sa résidence Veduta au Centre de Rééducation Fonctionnelle de Bourgoin-Jallieu, l’artiste a proposé personnel hospitalier et aux patient.e.s de l’accueillir là où ils travaillent et résident ; et de lui offrir leur point de vue sur leur Issue vers l’extérieur depuis l’intérieur. Ces images de fenêtres, cadres d’écrans noirs dans lesquels il est possible de projeter d’innombrables histoires, sont diffusées sous différentes formes : impressions et éditions.
Crédits photographiques : Karim Kal, L’Issue #11 et L'issue #17, dans le cadre de sa résidence Culture et Santé au Centre de Rééducation Fonctionnelle Saint-Vincent-de-Paul de Bourgoin-Jallieu, 2019 ©Courtesy de l’artiste ©Veduta/15e Biennale d’art contemporain de Lyon
L’effet de l’architecture se fait sentir quand on la quitte. Son incidence sur notre rapport au monde est mesurable quand on cherche à s’en affranchir. Et la fenêtre dans sa découpe géométrique du paysage incarne le déterminisme du bâti, de l’environnement urbain.
La localisation, l’identité des habitants, sont relégués en lisière de l’image dont le centre est un rectangle noir, le cadrage de l’obscurité par la découpe qu’opère la fenêtre. L’issue est incertaine, ouverte, inquiète, et surdéterminé par le béton de l’entourage.
La fonction normalisante de l’édifice augmente la gravité, entrave les mouvements, et modifie profondément notre rapport au monde, notre rapport à la question collective, au corps social. Les plus modestes sont regroupés dans les quartiers populaires, les inadaptées sont enfermés dès l’enfance, les malades sont mis à l’écart au milieu d’autres malades, histoire de soigner les âmes.
Alors on pourrait se dire que dans ces espaces spécifiques un soin particulier serait apporté au cadre, à la qualité du lieu, qu’on arrondirait les angles en quelque sorte afin de rendre la situation acceptable, un peu moins douloureuse au moins… Mais on observe le contraire, les matériaux sont rugueux, les couleurs molles, les formes géométriquement simples… et les signes de vie des locaux apparaissent sous forme d’indices qui peinent à exister au bord du cadre.
Karim Kal
Un projet mené avec le soutien de l’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, de la Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, dans le cadre du programme régional Culture et Santé, animé par interSTICES.
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Contact : Adeline Lépine, responsable de Veduta à la Biennale de Lyon, // Audrey Juteau, référente culturelle au CRF de Bourgoin-Jallieu,